Quantcast
Channel: Bloc notes de Jean-Laurent sur les Spiritualités
Viewing all articles
Browse latest Browse all 1238

Roger Salengro, franc-maçon de la Grande Loge de France, ministre, député, maire de Lille et socialiste.

$
0
0
Roger Salengro

Roger Salengro

Je souhaite par cet article rendre hommage  à un franc-maçon de la Grande Loge de France trop oublié aujourd’hui, je veux parler de Roger Salengro.

 

Roger Salengro est né le 30 mai 1890 à Lille (Nord) et est mort le 18 novembre 1936 à Lille.

 

Venu d’un milieu modeste, il adhère au Parti Socialiste dans sa ville natale de Lille.

 

Mobilisé en 1914, il est fait prisonnier de guerre en 1915. Nous le verrons l’extrême-droite l’accusera plus tard de désertion ce qui évidemment est faux.

 

Revenu de la guerre affaibli par trois années de captivité (rapatrié sanitaire en avril 1918, il ne pèse plus que 42 kg) dans différents camps d'internement dont le dernier un camp disciplinaire en Prusse (il est condamné par un tribunal militaire allemand pour acte de désobéissance), il se lance à son retour à Lille dans le journalisme et le militantisme.

 

Il est alors l'un des principaux animateurs de la SFIO dans le Nord de la France.

 

Il est élu conseiller municipal de Lille sur la liste Gustave Delory (maire de Lille de 1896 à 1925) et conseiller général du canton de Lille-Sud-Ouest.

 

Il est également 1er secrétaire de la Fédération socialiste du Nord.

 

Il succède à Gustave Delory (malade, qui décédera quelques semaines plus tard) comme maire en 1925 et est réélu en 1929 et 1935.

°

°

 

Député socialiste de 1928 à 1936, il devient en 1936 ministre de l'Intérieur du Front populaire dans le gouvernement de Léon Blum.

 

C'est Roger Salengro qui annonce la signature des accords de Matignon en juin 1936 et qui présente la loi sur la dissolution des ligues factieuses, le 18 juin 1936.

 

Mais bientôt, Salengro est victime d’une terrible campagne de calomnies et de rumeurs. Ces rumeurs prétendent qu’il aurait déserté en 1915 (alors qu’il avait été fait prisonnier).

 

Le 21 août 1936, c’est le journal d'extrême-droite Gringoire et son journaliste vedette Henri Béraud (journaliste antisémite venu de la gauche, condamné à mort en 1944 pour collaboration avec l’ennemi puis gracié par de Gaulle) qui pose la question « Roger Salengro, ministre de l'Intérieur, a-t-il déserté le 7 octobre 1915 ? ».

 

Il faut dire que cette accusation avait été formulée en 1923 par le Parti Communiste jamais à court d’une calomnie contre un socialiste.

 

Mais la rumeur enfle. La calomnie gagne du terrain. Les explications, les dénégations et surtout la vérité des faits et de la conduite de Salengro durant la 1ère guerre mondiale n’y changent rien.

 

Un débat suivi d’un vote a lieu à l’assemblée nationale le 13 novembre 1936. Léon Blum et Salengro parlent. La Chambre des députés, par 427 voix sur 530 (63 députés considèrent qu'il a déserté, mais la majorité de députés de la droite modérée vote en sa faveur), soutient Roger Salengro contre les accusations de l'extrême-droite.

 

Pourtant Roger Salengro est un homme affaibli par sa vie personnelle. Sa mère est mourante et sa femme est morte 18 mois plus tôt.

 

Quelques jours après le vote de la Chambre il est chez lui, dans  sa ville natale, Lille, le 17 novembre 1936.

 

En rentrant chez lui dans la soirée et croise dans la rue un homme qui le reconnaît, l'insulte et lui crache au visage.

 

C’en est trop pour Salengro brisé par la calomnie et le chagrin.

 

Arrivé et seul dans son appartement, il entre dans sa petite cuisine, met son chat dans le cellier, ferme la porte en posant au bas une serpillière mouillée, ouvre le robinet de la gazinière, étale sur la table deux exemplaires du journal Gringoire, et rédige deux lettres testamentaires : l'une adressée à Léon Blum et l'autre à son frère.

 

Roger Salengro meurt asphyxié dans les minutes qui suivent. Il écrit : « S’ils n’ont pas réussi à me déshonorer, du moins porteront ils la responsabilité de ma mort ».

 

Le 22 novembre 1936, devant l'hôtel de ville de Lille, lors de ses obsèques, Léon Blum dit de Salengro : « La France célèbre un socialiste populaire, modeste et têtu, à l'image des héros de cet âge d'or de la gauche ».

 

Mais Roger Salengro n’est pas « seulement » socialiste. Il est aussi franc-maçon.

 

 

 

 

Roger Salengro est en effet membre de la Loge N° 256 « La Fidélité » de la Grande Loge de France, à Lille.

 

Comme un certain nombre de socialistes entre les deux Guerres (à l’image de Pierre Brossolette par exemple, initié en 1927 au sein de la loge Emile Zola), Salengro n’a pas choisi le Grand Orient de France (fief du Parti Radical sous la IIIème République), mais la Grande Loge de France.

 

Roger Salengro sera toute sa vie un franc-maçon actif et militant. Malgré ses nombreuses responsabilités il reste attaché à son engagement maçonnique qui se confond avec son engagement politique qui sont ses engagements de vie.

 

La Grande Loge de France prenait d’ailleurs des positions assez avant-gardistes. Le Convent de 1923 de la GLDF déclarait : « Vous répudierez donc le fascisme et les essais du fascisme partout où ils se produiront avec un énergique et formel engagement de les combattre. » (Bulletin Officiel N° 25, page 98.)

 

Ce combat allait bien à Roger Salengro.

 

Salengro qui ne mit jamais son engagement maçonnique dans sa poche, même lorsqu’il sera ministre du gouvernement de Léon Blum.

 

Ce qui provoquera d’ailleurs les foudres des journalistes d’extrême-droite.

 

« Comment?... Est-il possible que le F :. Roger Salengro, Ministre de l'Intérieur, figure en sa qualité officielle, avec le F :. Marceau Pivert, l'extrémiste bien connu du parti socialiste, dans une tenue collective des loges les plus révolutionnaires du Grand Orient et du Rite Ecossais? » s’interrogent Albert Vigneau et Vivienne Orland dans leur livre très antimaçonnique « F :. M :. et Front Populaire ».

 

Albert Vigneau avait été initié par Antonio Coen (futur Grand-Maitre), alors Vénérable Maître de la Loge Jean Jaurès de la Grande Loge de France. Vigneau sera affilié ensuite à la loge Maurice Berteaux avant d’être l’un des fondateurs de la loge Eleusis. Le 9 avril 1934 il est exclu de la Grande Loge de France pour ses liens avec l’extrême-droite et les ligues fascistes. Sous l'occupation, il collabora avec Bernard Faÿ à l'élaboration d'un fichier antimaçonnique pour le service des sociétés secrètes . En 1947, il sera condamné à 20 ans de prison et décédera en prison.

 

Vigneau rappelle au sujet de la  Franc-Maçonnerie qu’ « Elle devait pratiquer la tolérance et rester neutre en matière politique; au lieu de cela, elle se lance avec acharnement dans la lutte des partis, se faisant l’alliée précieuse du Front Populaire.

 

Et la Grande Loge de France dépasse de beaucoup, dans ces menées, le Grand Orient ; notre collection de Bulletins Hebdomadaires des Loges en fait foi. Ce qui n'empêche que la Grande Loge de France essaie de rejeter lâchement sur le G :. O :. la responsabilité des méfaits, commis par la F :. M :. française.

 

Attitude bien mesquine, que de son côté le GO, rendons-lui cette justice, a l'élégance de ne jamais prendre à regard de sa sœur du Site Ecossais ».

 

Et Vigneau de poursuivre de la vindicte son ancienne obédience : « Or, la Grande Loge de France, actuellement plus que jamais, « fait » de la politique. Elle organise des Tenues où l’on s'occupe exclusivement du Front Populaire et de ses adversaires.

 

Dans ce domaine, la G :. L :. est plus active encore que le Grand Orient et plus dangereuse ».

 

Vigneau conclut : « On ne manquera pas d'observer que cette participation du Ministre de l'Intérieur à une réunion de francs-maçons révolutionnaires, coïncide avec ses récents propos, menaçant ceux qu'il appelle les factieux.

 

De plus, quatre jours après, les lignes étaient arbitrairement dissoutes.

 

Et bien d'autres choses encore, tout aussi arbitraires et injustes, sont en préparation ».

 

 

Alors, en mémoire de Roger Salengro, je ne résiste pas au plaisir de reproduire l’ordre du jour de la tenue du 15 juin 1936 de la loge « La Fidélité », de Paris (homonyme de la loge de Salengro à Lille).

 

Quelques jours après cette tenue la campagne de diffamation qui allait conduire Salengro au suicide commençait.

 

Toute ressemblance avec des faits se produisant de nos jours ne serait que pure coïncidence…

 

 

 

ORDRES DU JOUR DES LOGES DE LA REGION PARISIENNE

 

LUNDI 15 JUIN 1936

 

Salle des Fêtes, 8 rue Puteaux, Paris-17

 

« LA FIDELITE » (GL)

Avec le concours des Resp LL

 

AVENIR ECOSSAIS (GL) — BON VOULOIR (GL) — CLARTE (GO). — DIDEROT (GL)  — ESPERANCE (GO). — ETOILE POLAIRE (GO) — FRATERNITE DES PEUPLES (GO)  — ITALIA NUOVA (GL) — LIBERTE (GO) . — MARAT (GL) — MICHEL-ANGE (GL)  — 1793 (GO) —MONT GANELON (GO) — PLUS ULTRA (GL) — LE SAGITTAIRE (GL).

 

Ouv :.  des  trav:. en Ten:. Soi:. à 20 h. 45 très exactement.

 

Sous la présidence du T:. M:. F:. Michel DUMESNIL DE GRAMONT, ancien Grand Maître de la GLDF

 

 

« LE FRONT POPULAIRE AU TRAVAIL »

 

 

Avec le concours des FF Gaston Allemane, Député de la Seine. Elie Bloncourt, Député de l'Aisne. Lucien Dossontrot, Député de la Seine. Henri Bouille, de la C. G. T. Maurice Delépine, Membre de la C. A. P. du Parti S. F. L O. Marins Dubois, Député d'Oran. Eugène Frott Député du Loiret, ancien ministre. Pierre Ganivel, Directeur de l'Homme Réel. Marceau Pivert, Membre de la C. A. P. du Parti SFIO, Albert Paulin, Député du Puy-de-Dôme. Vice- Président de la Chambre des Députés. Camille Planche, Député de l'Allier. Roger Salengro, Ministre de l'Intérieur.

 

Clôt:. des trav:.

 

N.-B. — Pour la bonne organisation, les portes seront fermées dès l'ouverture des trav :.

 

 

Jean-Laurent Turbet

 

 

 

° Pour aller plus loin :

 

° Le site  de la Grande Loge de France.

 

° Pierre Brossolette doit entrer au Panthéon, sur ce site.

 

° Pierre Brossolette entrera au Panthéon, sur ce site.

 

° Gaston Monnerville, franc-maçon de la Grande Loge de France et président de gauche du Sénat, sur ce site.

 

° Gustave Mesureur, Franc-Maçon et homme politique exemplaire, sur ce site.

 

° Eugène Pottier, franc-maçon écossais, sur ce site.

 

° La Grande Loge de France célèbre Jean Jaurès, sur ce site.

 

° La Grande Loge de France et le politique, sur ce site.

 

° Henri Tort-Nouguès : La Franc-Maçonnerie et le Politique  , sur ce site. Extraits de PVI, journal de la GLDF.

 

° Henri Tort-Nouguès : Règles et Principe de la Franc-Maçonnerie traditionnelle , sur ce site. Conférence de 1984. Voir notamment le paragraphe : « La Franc-Maçonnerie et le Politique ».

 

° Madeleine Pelletier, une combattante. Franc-maçonne, féministe, socialiste et… libre !, sur ce site.

 

° Louise Michel franc-maçonne, sur ce site.

 

° La Loge « Diderot » Madeleine Pelletier, Louise Michel … et la Grande Loge de France, sur ce site.

 

° La « Jérusalem Ecossaise » va réunir la famille du REAA le samedi 8 décembre 2012, sur ce site.

 

° La Grande Loge Symbolique Ecossaise, ou les avant-gardes maçonniques (1880-1911), de Françoise Jupeau Réquillard, sur ce site.

 

° 08 décembre 2009 - « Commémoration des 150 ans de la naissance de Jean Jaurès au Café du Croissant » Alain Noel Dubart, Gilles Candar, Hugues Vial  , sur le site de la GLD

 

° "Guide de l'Orient éternel", de Maurice Lévy, sur ce site.

 

° « La Marseillaise », œuvre Maçonnique, sur ce site.

 

° GODF 1er mai 2014. FM et Commune de Paris, sur ce site.


Viewing all articles
Browse latest Browse all 1238

Trending Articles